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TERRE, TERREAU, TERRITOIRE

Écologie au jardin : un vœu d'enfant !


Jardiner c'est agir sur un sol fertile et agencer des plantes comme nous le désirons, pour nourrir nos yeux ou nos ventres. D'accord avec cette évidence, un jardinier peut ajouter que 'de jardiner' c'est parfois lutter : contre des ravageurs, des maladies, des adventices, le manque d'eau et d'amendement...


Jardinier et paysagiste-concepteur en perpétuelle apprentissage, je sais aujourd'hui que ces luttes ne sont pas les bonnes. J'ai une place à prendre auprès d'autres êtres vivants que moi, en agissant avec eux. Je comprends que le jardinier n'a pas d'ennemis, mais qu'il doit surtout trouver ses alliés ; à deux, quatre, six, huit ou milles pattes !


L'écologie est l'étude des écosystèmes, de la relation entre les êtres vivants et de ces êtres avec leur milieu. Ce lien originel avec d'autres vies, animales, végétales, cryptogamiques et bactériologiques, nous le perdons nous humains. Feu, cet équilibre entre nos besoins et celui de notre environnement. L'écologie est une forme d'empathie envers la vie sous toutes ces formes.


L'équilibre simple et sain des habitats


Nos jardins comme des êtres vivants


Jardiner, c'est faire partie intégrante d'une sphère de vie, la biosphère. Une pratique respectueuse du jardin passe par l'accueil et l'observation de toutes les vies.


Comme le démontrent Lydia et Claude Bourguignon(1), le sol est en soi un être vivant. Comme tout être vivant, il se nourrit, évolue, se dégrade et peut mourir. Ce que l'on prélève au sol, doit être rendu d'une manière ou d'une autre. Si une forêt peut croître d'elle même, sans aide artificielle ou anthropique, c'est qu'elle est autofertile. Les feuilles et le bois tombent au sol, s'y dégradent grâce notamment à la micro-faune, des insectes comme le carabe ou le collembole. La litière ainsi constituée s'affine et intègre le sol grâce à l'action des vers de terre. Se nourrissant en permanence de ce terreau dans leur voyage souterrain, de haut en bas, de bas en haut, ils enrichissent le sol et préservent sa texture aérée. Tout cela crée l'humus. On comprends ici que ce cycle est bienfaiteur pour les arbres allant puiser cette nourriture avec leurs racines.


>>> Dans le jardin préservez vos feuilles. Si vous dégagez vos allées poussez les feuilles vers les massifs. Si vous en avez en surplus créer un espace de stockage. Il est bon d'ajouter parfois quelques feuilles à votre compost ménager.


Mon jardin : une friche ou une réserve ?


Accueillir une biodiversité, une diversité de vies dans nos jardins, n'implique pas de laisser tout à l'abandon. Accepter que son Éden vert devienne un refuge biologique, c'est accepter de prendre du temps pour l'observer.


Dans cette démarche, l'humain, tout en préservant une place, s'adapte à la présence des espèces végétales et animales. Le jardinier intervient pour limiter certaines proliférations, créer des espaces de vie et recherche l'équilibre entre les surfaces naturelles, les espaces de loisirs et de production vivrière(2).


Observer est une des actions principales du jardinier. Quels oiseaux nichent ? Il y a t-il des chenilles et sont-elles en excés ? Des hérissons passaient par là auparavant, pourquoi plus maintenant ? Toutes ces observations permettent de trouver des liens entre les êtres vivants et leurs relations avec le milieu. C'est en cela que le jardin devient alors un milieu naturel, même si l'humain y prend sa place.


Tous nos indésirables ont un message à passer


Une surpopulation de pucerons indique qu'il manque un prédateur comme la coccinelle. Pourquoi manque-t-il des coccinelles ? Probablement car il manque des habitats pour l'accueillir ou des plantes que nous considérons comme indésirables (mauvaises) et que nous avons supprimé. Ces plantes - dites aussi plantes hôtes - accueillent du beau monde si on les préserve. En floraison elles nourrissent nos abeilles, bourdons et autres syrphes, qui sont des insectes pollinisateurs et qui permettront par exemple d'obtenir bien plus de fruits et légumes en saison, rien que ça !


Les plantes hôtes sont la plupart du temps des végétaux autochtones (natifs de nos régions), qui évoluent spontanément sous nos climats. Ces plantes sont nécessaires pour la reproduction et l'alimentation d'une faune adaptée, elle aussi autochtone. Par exemple, en préservant la molène ou l'ortie, on permet la ponte de la coccinelle et le développement de larves qui dévoreront les pucerons. Le jardin devient un refuge équilibré pour la diversité végétale et animale. Et les produits de traitement ne sont plus nécessaires.


Une prolifération d'oseille sauvage, de bardane ou de liseron vous informera d'un surplus d'azote dans le sol. Cet azote provient souvent d'un apport excessif de fumure ou autres matières organiques. Nourrissons alors nos sols, et indirectement nos végétaux, avec la seule matière organique du jardin et de notre ménage. Feuilles, tailles, épluchures de fruits et légumes, tout retourne à la terre et permet de rééquilibrer la composition du sol. Le jardin retrouve un cycle équilibré et crée son propre terreau.


Étagement de notre éco-jardin


Pour accueillir une biodiversité, le jardin doit nécessairement intégrer divers milieux : des surfaces herbacées (pelouse, prairie, bande enherbée fauchée une fois par an), des zones arbustives (massif, haie) et des arbres (isolés, en groupe ou en boisement). Chaque habitat abrite certaines espèces et l'ensemble peut constituer un écosystème équilibré.


La surface enherbée ne sera pas tondue entièrement. Un gazon tondu peut être préservé comme espace de loisirs et une autre partie être fauchée une fois par an. Le calendrier des tontes devra respecter les périodes de reproduction des insectes, des oiseaux et des mammifères. Le mois d'octobre est le plus propice pour le fauchage, attention toutefois au hérisson qui est encore en période de reproduction.


>>> Les déchets de la tonte seront mis à composter en les mélangeant avec des feuilles et des tailles, car le déchets de tonte seul est trop azoté, tandis que les débris ligneux apportent du carbone.


Calendrier des entretiens dans un jardin écologique

Les arbustes ont plusieurs rôles au jardin. Une haie produit des fleurs, donc du pollen et du nectar pour les pollinisateurs. Elle produit ensuite des fruits pour notre consommation ou pour les oiseaux jusqu'en hiver. Elle produit du bois que l'on peut tailler si nécessaire pour se chauffer ou pour un retour à la terre en broyât. En effet, la taille une fois broyée, peut être utilisée comme un paillage en massif. Nous l'utiliserons aussi dans les cultures comme un activateur biologique du sol, avec la technique agricole du Bois Raméal Fragmenté (BRF). Il s'agit d'épandre un broyât de bois frais et fin sur le sol, et de provoquer une activité microbienne. Enfin la haie crée aussi un climat, une fraîcheur pour le jardin et abrite des rigueurs d'un vent froid.


Le rôle des arbres n'est pas négligeable non plus : ils fournissent des fleurs, des fruits et du bois. Cherchez à les diversifier pour qu'ils apportent des fruits, des coques, des fleurs nectarifères, ... Comme l'arbuste, ce sont des refuges pour des animaux parfois prédateurs d'insectes nuisibles. Même dépéris un arbre représente un écosystème à lui tout seul !


Dynamiser la biodiversité


Des astuces existent pour que les petits jardins, comme les grands sites, puissent accueillir une plus grande diversité d'habitats(3).


Nous pouvons garder au fond du jardin des tas de bois, de bûches, de feuilles ou de pierres pour des animaux comme le hérisson. Pour pas cher, ce seront de bons refuges faunistiques et à terme, le compostage du bois ou des feuilles formera un terreau d'une grande richesse, disponible pour les plantations ou les cultures. De même, tous les déchets organiques et végétaux de la maison doivent contribuer à enrichir la terre du jardin. Ainsi rien ne sort du cycle du jardin et on préserve son capital organique, plutôt que de nourrir de grands camions-poubelle ou de grosses usines d'incinération.

Croquis d'idées de création de refuges à insectes avec tronc d'arbre


Une haie arbustive ou une prairie sont les milieux les plus attirants pour des insectes pollinisateurs. Si on manque de place, on peut créer des 'hôtels à insectes', c'est à dire des abris bien dimensionnés pour permettre la ponte et la reproduction des abeilles, guêpes, bourdons, syrphes et autres insectes. Tous sont utiles au jardin, mais ils sont plutôt exigeants pour leur logement. Si vous prenez le temps d'étudier d'abord quels sont les insectes présents, vous pourrez aménager les refuges en conséquence. Sinon, autant diversifier la possibilité d'accueil et attirer le plus de pollinisateurs possible. Cela signifie que votre 'hôtel' proposera des matériaux variés, avec des cavités de diamètre et profondeurs variées. Utilisez des pots renversés, des bouquets de brins de pailles, des bûches de toutes tailles, perforées de trous à dimensions variables(4). Faites avec les matériaux du jardin et votre imagination.


>>> Pour aller plus loin, il existe aussi des sites internets ludiques qui aident à apprendre la reconnaissance la faune de son jardin et qui propose de partager l'information avec des scientifiques : ce sont les observatoires participatifs de la nature (5).


Le regard du jardinier en écologie du paysage


Cette approche et ces propositions permettent de susciter de nouveaux questionnements. Avec ou sans jardin, amusez-vous à observer un espace végétalisé avec ce regard d'écologue en herbe. Oubliez un instant l'esthétique des lieux et trouvez qui habite ici, comment et avec qui. Puis prenez du recul sur ce lieu et adoptez une vision globale, jusqu'à considérer un large territoire.


Le vivant n'a pas d'échelle, pas de frontières. Le regard écologique sur un jardin ou un paysage nous incite à scruter sous nos pieds tout en cherchant l'horizon.

Botanique de rue à Paris, rue Buffon !


Pour la santé et le vivre ensemble, soyons écologue !


Je suis intimement convaincu que de reconnaître le vivant dans nos jardins est nécessaire pour notre santé et celle de la Terre. Apprendre à reconnaître un être vivant, savoir identifier ses caractéristiques c'est considérer son existence, sa présence. Lui donner un nom c'est plus que de le connaître mais c'est le reconnaître. La reconnaissance apportera toujours un respect envers l'autre. Se reconnaître c'est se considérer, c'est accepter de vivre ensemble. On ne peut pas s'empêcher de comparer cela à nos attitudes humaines. Je crois qu'il existe dans nos jardins, une clef pour la paix entre chaque individu de cette planète.



JOHANN LASKOWSKI - EPIGENIE




(1) Lydia et Claude Bourguignon, Laboratoire de recherche et d'expertise en biologie des sols (LAMS), ouvrage référence : Le sol, la terre et les champs, édition Sang de la Terre, 2009.


(2) Sur ces notions je vous invite à lire des ouvrages du jardinier Gilles Clément. Par exemple : Une écologie humaniste, édition Aubanel, 2006.


(3) Toutes les astuces sont très bien exposées et pratiquées par Alain Divo, avec un ouvrage agréable pour tous : Traité d'écopaysage, Alain Divo, Franck Jault, 2014.


(4) Pour aller plus loin sur les refuges à insectes, Mélanie von Orlow clarifie le sujet dans un ouvrage très accessible : Hôtels à insectes, abeilles sauvages, bourdons & Cie au jardin, édition Ulmer, 2014.


(5) Diverses outils existent, voici quelques associations : Noé conservation, Vigienature, Spipoll (suivi photographique des insectes pollinisateurs), OPVT (Observatoire Participatif des Ver de Terre).

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